
L’illusion d’expertise à l’ère des réseaux : quand le nombre d’abonnés supplante la compétence réelle
1. Le problème : la “popularité” perçue comme expertise
Dans un environnement saturé d’informations, notre cerveau utilise des raccourcis mentaux (heuristiques) pour juger rapidement de la crédibilité d’une personne. Sur les réseaux, l’indice le plus visible, nombre d’abonnés, likes, partages, devient souvent un critère de confiance… même s’il n’a rien à voir avec la compétence réelle.
Résultat : des figures très suivies sont perçues comme expertes simplement grâce à leur visibilité, et non à la qualité ou à la véracité de leurs contenus.
2. Les biais cognitifs en jeu
Biais de popularité (bandwagon effect)
- Mécanisme : notre cerveau social est programmé pour suivre la majorité (héritage évolutif : appartenir au groupe augmentait nos chances de survie).
- Sur les réseaux : “S’ils sont un million à le suivre, il doit avoir raison.”
- Exemple : un influenceur santé aux 500k abonnés recommande un régime “miracle” non validé scientifiquement. Beaucoup y adhèrent avant même de vérifier les preuves.
Effet de halo
- Mécanisme : une caractéristique positive (charisme, beauté, humour) se généralise à d’autres dimensions (“s’il est charismatique, il doit aussi être compétent”).
- Sur les réseaux : un créateur au look soigné et aux vidéos bien montées inspire confiance, ce qui nous pousse à croire à la justesse de son discours, même si le fond est erroné.
Biais de confirmation
- Mécanisme : nous sélectionnons inconsciemment les informations qui confirment nos croyances existantes.
- Sur les réseaux : l’algorithme nous montre surtout des contenus qui valident nos opinions, renforçant la crédibilité perçue de celui qui les publie.
Biais d’autorité
- Mécanisme : nous faisons confiance aux figures perçues comme “autoritaires” ou légitimes.
- Sur les réseaux : un compte vérifié ou un titre vague (“expert”, “coach certifié”) peut suffire à enclencher ce biais, même sans preuves concrètes.
3. Pourquoi notre cerveau tombe dans le piège
- Vitesse de traitement : notre cerveau préfère les raccourcis cognitifs aux analyses longues (mode Système 1 de Kahneman).
- Recherche de repères clairs : le nombre d’abonnés est un indicateur simple, immédiatement disponible, qui donne une impression de fiabilité.
- Récompense sociale : suivre un compte populaire active notre système dopaminergique, lié à la reconnaissance sociale et au sentiment d’appartenance.
4. Conséquences sur la société et la diffusion des savoirs
- Propagation rapide de fausses informations ou de méthodes inefficaces.
- Mise en avant de personnalités charismatiques mais peu compétentes.
- Marginalisation de véritables experts moins “bankables” visuellement ou médiatiquement.
5. Comment résister à l’illusion
- Vérifier les sources avant de partager ou d’adhérer.
- Se demander : “Cette personne a-t-elle fait ses preuves dans son domaine, ou a-t-elle seulement une forte présence en ligne ?”
- Diversifier ses sources d’information pour contrer les bulles algorithmiques.
“Sur les réseaux, le cerveau ne récompense pas la vérité, mais la visibilité. Et la visibilité n’est pas toujours synonyme de compétence.”

